Tribune

Pour un Office francophone de la jeunesse

 

Tribune cosignée avec Louise Beaudoin, ministre des Relations internationales et de la Francophonie (1998-2003)

 


La jeunesse est le principal carburant de la francophonie, avec son potentiel d'énergie, d'impulsion et d'innovation en même temps que son caractère explosif, si ses aspirations ne sont pas satisfaites. Espace majoritairement jeune, la francophonie compte de nombreux pays où la part des moins de trente ans représente plus de la moitié de la population. Il faut donc considérer que l'épanouissement de la jeunesse, qui passe notamment par l'éducation et l'accès à l'emploi, est une priorité politique majeure.

Alors que 60 % de la population des pays francophones a moins de 30 ans, nous appelons de nos vœux la création d’un Office francophone de la jeunesse, afin d’élargir les horizons d’une jeunesse francophone qui aspire à la mobilité et à la réalisation de son potentiel.

 

Depuis sa création il y a près de cinquante ans, l’Office franco-québécois pour la jeunesse (OFQJ) a permis à quelque 170 000 participants de traverser l’Atlantique. Capable de soutenir des projets qui enrichissent la formation, l’expérience et la pratique citoyenne des jeunes, l’OFQJ propose sur son site Internet une banque d’offres de stages, d’emplois, de projets et de missions à l’international.

 

L’Office a développé au fil du temps une expertise dans le domaine du soutien à la mobilité et au développement professionnel des jeunes Français et Québécois — expertise qu’il conviendrait de partager avec d’autres États et gouvernements membres de la Francophonie.

 

Pour envisager les modalités pratiques de la création d’un Office francophone de la jeunesse (OFJ), un groupe de travail devrait être mis en place, incluant l’OFQJ, les Offices jeunesse internationaux du Québec, de Wallonie-Bruxelles et du Nouveau-Brunswick, ainsi que les représentants des États et gouvernements francophones désireux de consacrer davantage de moyens à leur jeunesse.

 

L’OFJ, opérateur de la Francophonie

 

L’OFJ pourrait chapeauter les programmes existants de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), comme les Jeux de la Francophonie, mais également en lancer de nouveaux : volontariat en entreprise, emplois et stages dans la Francophonie ; simulations parlementaires et missions d’observation électorales ; envoi de délégations à des écoles d’été, à des ateliers thématiques ainsi qu’à des forums internationaux et soutien à des projets entrepreneuriaux, sociaux et citoyens.

 

Grâce au numérique, des mobilités immatérielles sont envisageables dans le domaine de la culture, de la connaissance, de l’information et de la collaboration. Une offre d’enseignement en renforcement des compétences professionnelles pourrait ainsi être proposée en ligne, en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie. La demande récurrente d’un Erasmus francophone pourrait également faire l’objet d’un projet-pilote de l’OFJ.

 

Faciliter la circulation des savoirs, l’innovation et la mobilité des jeunes étudiants, chercheurs, créateurs et entrepreneurs constitue déjà l’un des objectifs stratégiques de l’OIF. L’Office francophone de la jeunesse aurait vocation à devenir un opérateur spécialisé de celle-ci, au même titre que l’Agence universitaire de la Francophonie, l’Association internationale des maires francophones, l’Université Senghor d’Alexandrie et TV5 Monde.

 

Car si l’OIF dispose d’une politique destinée à la jeunesse (portail Internet, volontariat, campagne de consultation préalable à la COP21, etc.), on regrettera le caractère restreint de cette politique — faute de moyens — et le suivi aléatoire d’initiatives porteuses, telles que celles qui ont émergé lors du Forum mondial de la langue française de Liège en 2015.

  

Une structure pérenne assumerait avec une meilleure efficacité cette politique amorcée il y a dix-huit ans au Sommet de la Francophonie à Moncton (Nouveau-Brunswick, Canada). Les chefs d’État et de gouvernement s’étaient alors engagés à répondre aux attentes de la jeunesse et à l’associer plus étroitement à son action. Cet engagement a été réitéré à Ouagadougou (Burkina Faso) en 2004 et à Dakar (Sénégal) en 2012, où une Stratégie jeunesse pour la Francophonie a été adoptée.

 

Une vision et des moyens

 

Pour le financement de ces nouveaux programmes, des fondations et des plateformes participatives (à l’image de Finance ensemble, créée par l’OIF et Ulule) pourraient être sollicitées. Mais soyons francs ! Les financements publics indispensables à la mise en place d’un Office francophone de la jeunesse ne sauraient être accessibles sans l’engagement clair des chefs d’État et de gouvernement, lors du prochain Sommet de la Francophonie. Ces derniers doivent prendre conscience que la Francophonie d’aujourd’hui est majoritairement jeune et qu’il convient par conséquent de réviser à la hausse les moyens consacrés à la jeunesse francophone.

 

Ces jeunes, issus d’horizons géographiques différents, sont plus que jamais désireux de s’ouvrir au monde, de le parcourir, de l’investir, de le changer. Dans un contexte de compétition linguistique mondiale, une langue n’a d’avenir que si elle est porteuse d’avantages personnels et collectifs. La langue française est un lien extraordinaire d’intercompréhension entre plus de 274 millions d’êtres humains sur la planète. Pour que cette voix, qui est celle de la diversité culturelle, continue à se faire entendre demain, écoutons dès à présent celle d’une jeunesse qui aspire à se réaliser.